Les mémoires traumatiques : comprendre leur fonctionnement pour mieux les dépasser
Les mémoires traumatiques sont liées à des événements figés dans un « présent » passé, incapables de se digérer et de suivre le processus naturel de deuil auquel les autres mémoires sont soumises et qui les transforment en souvenirs. Elles sont enkystées dans l'esprit, prêtes à être réactivées à tout moment, et sont caractérisées par leur capacité à restituer immédiatement les ressentis et les réponses initiales liés à l'événement traumatisant.
La fonction première de ces mémoires est de prévenir et de protéger l'individu. Elles conservent l'événement traumatique dans toute sa complexité, y compris le contexte sensoriel et émotionnel dans lequel il s'est produit, ainsi que les réactions et les ressources qui ont permis de survivre à ce traumatisme initial. Cette fonction de préservation peut être perçue comme une mesure de sécurité, une manière pour l'esprit de rester vigilant face aux dangers potentiels.
Cependant, le fonctionnement des mémoires traumatiques crée des obstacles à la guérison. Elles agissent comme des "échos" constants du trauma, captant l'attention de l'individu de manière persistante. Cette focalisation excessive sur le trauma empêche souvent de percevoir les changements et les développements personnels survenus depuis l'événement traumatique. On pourrait la comparer à un projecteur qui ne s'éteint jamais, fixé sur un point précis de l'existence. Ainsi, l'identité du sujet peut être altérée, avec une partie du Soi "morte" à l'endroit même du trauma.
Pour surmonter les mémoires traumatiques, il est essentiel de pouvoir envisager des solutions. Cependant, éteindre complètement le projecteur sur le trauma est une tâche quasi impossible. Une alternative consiste à allumer d'autres projecteurs, à diriger l'attention vers les parties du Soi qui ont continué à évoluer, grandir et mûrir au fil du temps. Il s'agit d'élargir la perception de soi-même, en reconnaissant et en comprenant que l'identité ne se limite pas à cette seule expérience traumatique.
Néanmoins, la mise en action de ces solutions peut être entravée par les bénéfices secondaires que les mémoires traumatiques ont pu générer. Parfois, des ressources ont été développées à partir de ces traumatismes, et leur abandon peut engendrer la peur de disparaître avec le trauma lui-même, créant ainsi une forme d’identification projective. Il est important de conscientiser ces « bénéfices » afin de comprendre que, dans ce contexte, c’est nous qui avons créé les ressources de la résilience et non le trauma !
Parmi les techniques préconisées pour traiter les mémoires traumatiques, l'EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) se distingue en primo-intervention. Elle offre la possibilité de réintroduire le temps dans ces mémoires, ouvrant ainsi la voie au processus de deuil. L'EMDR permet à la mémoire traumatique de se transformer en un souvenir qui retrouve sa place dans le passé, libérant ainsi les ressources mobilisées jusque-là dans la fixation sur le trauma. Il s’agira ensuite (ou en parallèle) de mettre en place un travail de reconstruction narcissique en ramenant à la conscience tout ce qui a été construit depuis le trauma. En opposant ce qui fait sens au non-sens du trauma, on peut aussi se relier à « l’avant trauma » qui possède d’autre ressources identitaires non polluées par celui-ci.
C'est ouvrir la possibilité de réactiver des germes sains restés en dormance.
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